TARAB PRODUCTION

Tous les grands de ce monde.

Il est de notoriété publique que nul n'est prophète en son pays. A cette vérité connue de tous, j'ajoute simplement : nul n'est créateur en son pays.

Tous les grands de ce monde se sont trouvés un jour ou l'autre contraints et forcés de s'exiler vers des contrées parfois lointaines, dans lesquelles se trouvent réunies les conditions de la création ainsi que celles de sa diffusion et de sa réception, sans qu'il soit besoin de recourir à des pistons, relations, réseaux plus ou moins douteux, dont le principal intérêt est la réalisation de substantiels profits.

Vers ce monde qui apprécie l'art, surtout s'il est authentique, à sa juste valeur et lui ouvre tout grand les horizons, Saïd est parti, après avoir porté le rocher de Sisyphe. A Paris, lui qui manque désormais à son pays, a rejoint le cénacle des créateurs arabes qui ont émigré pour renforcer les liens entre deux mondes que tout s'acharne à séparer. Il a choisi d'offrir ce magnifique art universel à l'Homme à Paris. Cet art que de pseudo intellectuels ont qualifié de « populaire », « local », « relevant du passé ». Il s'agit bel et bien du melhoun, art véritablement populaire et qui en est fier, car il constitue la plus fidèle expression poétique de l'essence de tout un peuple, de son mouvement, sa permanence, ses douleurs, ses espoirs. C'est justement par l'enracinement conscient au plus profond d'un terroir dans toutes ses dimensions que cet art accède à l'universel.

Quant au fait qu'il relèverait du passé et bien oui ! Il relève du passé et du présent et de l'avenir, car il traduit les battements de cœur du peuple. C'est l'art, le savoir, la pensée et la création qui façonnent le présent et l'avenir, pas seulement la technologie.

Il apparaît clairement à travers son nouvel album, sorti en novembre 2004, que Saïd el-Meftahi a misé sur cet avenir. Il a l'orné de quatre poèmes choisis avec une extrême rigueur ; leurs thèmes, leurs tons, mélodies, rythmes se déclinent en diverses colorations qui montrent le grand soin dont fait preuve el-Meftahi pour faire entrer le melhoun dans l'avenir. Cet art n'aspire qu'à se renouveler, vivre, bouger tout en conservant les caractéristiques fondamentales que lui a léguées son passé. Dans cet album, dont l'exil a vu la genèse, l'âme communique avec des poèmes rendus avec extrême talent, incarnant divers sentiments et émotions. J'espère que vous aurez le privilège de pouvoir l'apprécier ; cette mosaïque sur laquelle se profilent toutes les grandes figures : celles des aînés et des cadets : Sidi Qaddour el-Alami, Cheikh Anjar, El Hadj Ahmed Trabalsi, Cheikh el Masmoudi…

Ce projet est trop grandiose pour s'arrêter en si bon chemin, c'est pourquoi j'ai trouvé Saïd, au cours de la visite que je lui ai rendue en août 2004, penché sur un ouvrage portant sur l'influence qu'a exercé l'art aïssawi, qui a rendu célèbre Meknès, sur certaines pièces du melhoun. C'est d'ailleurs cette ville qui a donné le jour aux plus illustres représentants de cet art : Tayyeb el-Ounstiri, Ben Aïssa el-Draz, Hajj Hussein el-Toulali… et son disciple Saïd el-Meftahi.

Lors de la visite que je lui ai rendue, il m'a été donné l'occasion d'une séance de travail avec Saïd, j'ai pris connaissance de son projet, prévu pour la fin de cette année in châ' Allâh. J'ai hâte de retrouver achevé ce que j'y ai trouvé à l'état d'ébauche. Nous nous délecterons alors de cet art authentique, c'est le nouveau défi relevé par Saïd, qui nous exhorte à suivre son chemin, celui d'un jeune cheikh du Sud, venant proclamer l'avènement d'un art authentique au Nord.

Abdelmajid Fenniche - 
Chercheur
Traduit par Michaël CHIK


08/06/2007
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 8 autres membres